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Crayon graphite, encre de Chine, feutre : l’art du noir et blanc

Le dessin au crayon graphite est à la base de toute création… y compris l’illustration ! S’il n’a d’abord été qu’un outil d’étude, couramment utilisé dès la Renaissance, il s’est affirmé au fil des siècles comme un médium de création à part entière. Avec cette conquête du crayon, c’est aussi l’art du noir et blanc qui s’est retrouvé propulsé sur le devant de la scène. Aujourd’hui, dans le petit monde de l’illustration jeunesse, crayon graphite, mine de plomb, fusain, encre de Chine et feutre noir s’expriment librement dans les pages des albums, n’ayant rien à envier à leurs cousins colorés !

Crayon graphite et mine de plomb


Au commencement était la mine… Cette petite roche friable qu’on appelle le graphite a été placée à l’intérieur d’un bout de bois, ou condensée sur elle-même en forme de bâton : le crayon était né ! Mis dans les mains des artistes dès leur plus jeune âge, il devient l’outil incontournable pour coucher sur papier ses premières idées. C’est ce qu’on appelle couramment des croquis, ou des crayonnés. Si certains relèvent du « rough », un coup de main rapide pour projeter une forme globale, au fil des recherches ils deviennent généralement de plus en plus aboutis.


Pierre Mornet, Quentin Gréban ou encore Rébecca Dautremer utilisent ainsi le crayon jusqu’à obtenir leur composition finale, qu’ils mettront ensuite en couleur avec leur peinture préférée. Pourtant, ils n’oublient pas ces créations premières, qu’ils considèrent comme œuvres originales. Quentin Gréban, par exemple, les fait apparaître dans ses livres aux côtés de ses aquarelles. Au fil de l’évolution de sa pratique, Rébecca Dautremer les laisse parfois visibles dans ses compositions finales. Les crayonnés de Pierre Mornet ont, quant à eux, la douceur et la délicatesse de ses peintures, doublées d’une certaine fragilité qui les rend d’autant plus précieux.

Le crayon ne sert pas qu’au croquis, c’est aussi un outil de création à part entière ! Des artistes tels qu’Anna Boulanger, Joanna Concejo et Pierre Créac’h en ont d’ailleurs fait leur force. Et, en observant leurs œuvres, on peut constater qu’en fonction de la main qui le tient, le crayon peut servir des styles très différents, et porter un panel d’émotions infini. Anna Boulanger construit ses images minutieusement, grâce à une pointe parfaitement aiguisée. Le geste est contrôlé, disposé avec parcimonie sur la feuille, créant des motifs subtils et pourtant très précis, comme dans sa magnifique série de nuages. Joanna Concejo aime le velouté du crayon, et aussi l’intensité qu’il peut créer. Travaillant sur de grands formats, elle dresse, traits après traits, ombres, textures et mouvements. D’une main savante, elle recrée parfois des morceaux de réalité, comme les poils de ce loup endormi. Pierre Créac’h, amateur de la mine de plomb, plus dense, joue aussi avec le mouvement de son poignet pour faire naître des œuvres dansantes, et souvent fantasmagoriques.

Encre de Chine et feutre noir


L’encre de Chine est une peinture très noire qui aurait été développée dans la calligraphie chinoise. On estime parfois que son origine est plutôt indienne. Elle arrive en France dès les premiers échanges commerciaux avec l’Orient au 16e siècle. Si on la connaît dans nos magasins sous forme liquide, c’est à l’origine un bloc solide qui doit être réduit en poudre dans de l’eau avant d’être utilisé.


Anna Boulanger préfère l’utiliser de manière millimétrée, grâce à une plume, comme celle qu’on emploie pour l’écriture. Ainsi, ses traits sont précis, et elle modèle ses images grâce à leur superposition, créant ainsi ombre et volume. Elle conjugue parfois plume et crayon pour accentuer la profondeur de certains motifs. Irène Bonacina est plutôt adepte du lâcher-prise : grâce à un pinceau chargé d’eau, elle laisse l’encre se répandre presque à sa guise sur la feuille, rebondissant sur les accidents ainsi créés pour affiner sa composition, cette fois-ci à l’aide d’une plume.

D’une pratique similaire à Irène, c’est plutôt avec des feutres noirs et de l’encre classique que Gaya Wisniewski a fait naître les images vibrantes de son livre Ours à New York. Les formes sont esquissées et pourtant très claires. Gaya dessine une vision brouillée et intense en écho à la thématique onirique de son très beau livre. Federica Del Proposto, formée en tant qu’architecte, préfère la fine pointe d’un stylo-feutre pour réaliser ses illustrations légères et à la discipline quasi-mathématique héritée de son premier métier. C’est aussi l’outil de Marion Arbona, qui choisit cependant de l’utiliser jusqu’à épuisement en recouvrant ses feuilles d’une multitude de petits points et traits, qui ensemble génèrent des images fourmillantes dans lesquels on aime se perdre.

Les autres créations en noir et blanc

Le fusain, matériau friable et difficile à maîtriser, devient, dans des mains expertes, une petite mine de créativité. L’artiste touche-à-tout qu’est Irène Bonacina en a fait une série de paysages nocturnes, aussi vaporeux qu’un songe…

Laurent Corvaisier, un amoureux de la couleur à l’acrylique, a réalisé un ensemble en noir et blanc grâce à la sérigraphie. On y retrouve ses formes simplifiées et ses compositions en superposition de motifs. Un exercice sur lequel s’est aussi penchée Albertine avec sa série « Dance floor », et « Circus » mais cette fois à la gouache.

Pauline ILLA