Retour au blog

Gravures, tirages d’art… quand parle-t’on d’œuvre originale ?

La galerie Robillard est spécialisée dans l’illustration originale. Qu’est-ce que c’est ? C’est une œuvre qui a été spécialement créée pour se retrouver dans un livre illustré. Elle est originale quand il n’en existe qu’un seul exemplaire, réalisé de manière traditionnelle – c’est-à-dire avec des outils manuels et non numériques. Cependant, à l’heure actuelle, les techniques de reproduction ayant pris une part très importante dans la pratique de l’illustration, il devient de plus en plus difficile de distinguer la notion d’originalité. Revenons ensemble sur quelques-unes de ces techniques pour savoir en quoi elle relève d’œuvre originale ou non.

Gravure sur bois / linogravure

Ces deux techniques sont très similaires, et consistent à creuser un support – du bois ou du linoléum – afin d’en dégager un dessin. On parle de gravure en relief car c’est la partie laissée intacte par le burin, le couteau ou la gouge, qui recevra l’encre et sera imprimée sur une feuille.

Pendant de nombreux siècles, la gravure sur bois n’est pas une affaire d’artistes (ou à de très rares exceptions) mais plutôt d’artisans, afin de reproduire des images rapidement et de les distribuer au plus grand nombre. Tout change à la fin du 19e siècle, quand la photographie s’empare définitivement de ce rôle. De nombreux artistes récupèrent alors cette technique ancestrale pour en faire un art à part entière.

La gravure sur bois ayant toujours été étroitement liée à l’art du livre illustré, elle y trouve à nouveau ses lettres d’or. C’est aussi à cette période qu’apparaît la linogravure, un dérivé de la gravure sur bois mais sur une matière bien plus souple et facile à travailler, qui sera par exemple expérimentée par Picasso au tout début du 20e siècle.

Revenons au 21e siècle. Vous avez peut-être remarqué que dans notre catalogue, il y a plusieurs œuvres dans les catégories « gravure sur bois » et « linogravure ». Celles-ci ont toutes été réalisées par les mains des illustrateurs dont elles portent les signatures. C’est-à-dire qu’ils ont eux-mêmes creusé le support, encré la planche, et imprimé le dessin sur une feuille. Ce qui les différencie d’une œuvre originale réalisée par exemple à la peinture, c’est qu’elles peuvent exister en plusieurs exemplaires. Mais comme chaque exemplaire est tiré de la main de l’artiste, et que chacun peut varier en fonction de plusieurs éléments, on parle toujours dans ce cas d’illustration originale. Par ailleurs, les tirages sont généralement limités à quelques dizaines d’exemplaires.

À la galerie, Julia Chausson et le duo Raphaële Enjary & Olivier Philipponneau se sont spécialisés dans la gravure sur bois. Clémence Pollet fait quant à elle régulièrement appel à la linogravure.

Sérigraphie

Il s’agit aussi d’une technique d’impression manuelle, mais cette fois grâce à un écran en tissu – à l’origine de la soie, d’où le préfixe « séri ».

Si l’impression est bien artisanale, c’est-à-dire que l’encre est apposée à la main sur l’écran puis pressée pour imprimer le papier, la création du support du dessin est généralement faite de manière automatique, grâce à des machines spécialisées. En cela, la notion d’originalité quand on parle de sérigraphie peut être assez ambiguë.

De grands artistes se sont en effet spécialisés dans cette technique, comme le célèbre Andy Warhol, qui travaillait lui-même ses sérigraphies dans son atelier. Depuis son époque, de nombreux ateliers dédiés à la reproduction en sérigraphie d’œuvres créées par d’autres ont vu le jour.

C’est par là que sont passées quelques illustrations de notre catalogue comme celles de Thomas Baas, un illustrateur qui travaille principalement en numérique. Tom Haugomat et Julia Spiers ont également fait appel à des ateliers pour tirer des créations inédites.

D’autres réalisent eux-mêmes leur sérigraphie, de A à Z, comme Anna Boulanger, qui enseigne d’ailleurs la technique dans l’Atelier du Bourg à Rennes. On peut voir que ses tirages sont aussi beaucoup plus limités, généralement moins de 10 exemplaires, ce qui est un bon indicateur d’une œuvre plutôt considérée originale. Géraldine Alibeu, Laurent Corvaisier et Albertine se sont aussi exercé(e)s à la pratique.

Lithographie

La lithographie est une technique de gravure sur pierre, généralement calcaire. Un crayon gras est appliqué sur la pierre, et la réaction de répulsion entre eau et huile servira au principe de cette gravure.

Découverte vers le 16e siècle, elle devient surtout populaire à la fin du 18e et au début du 19e siècles, pratiquée par les artistes même, comme Goya ou Delacroix. Elle est à l’époque préférée aux autres techniques de gravure car elle rend fidèlement la main de l’artiste, imitant le coup de crayon ou de pinceau. Cependant, la technique est une des premières à être industrialisées au 19e siècle, et sert déjà à la reproduction de masse dans les journaux par exemple.

Toujours très populaire dans l’avant-garde artistique – l’affichiste Toulouse-Lautrec par exemple s’en fait un expert -, elle est aujourd’hui très peu pratiquée artisanalement. Ainsi, dans notre catalogue, les lithographies proposées par Pierre Créac’h ont été réalisées dans un atelier dédié d’après les dessins à la mine de plomb que l’artiste avait fait pour ses livres. N’hésitez pas à zoomer sur les images : on y verrait presque la poussière du crayon !

Impression numérique / digigraphie

Toutes les techniques d’impression informatisées sont par définition des copies et non pas des œuvres originales.

Dans notre catalogue, nous proposons le plus souvent des digigraphies qui sont des tirages numériques à l’encre pigmentaire, c’est-à-dire une encre épaisse qui imite la peinture, autant dans sa couleur que dans sa densité. La digigraphie est aussi un label déposé : tout le monde ne peut pas en faire ! C’est une impression d’art sur du papier spécial Beaux-Arts, avec un grammage important, et grâce à une machine dédiée.

Il existe cependant de nombreuses autres techniques d’impression numérique, qui, bien qu’elles ne fassent pas appel à de l’encre pigmentaire, peuvent créer de belles copies d’œuvre numérique, comme les affiches conçues par Thomas Baas (qui propose également des tirages digigraphiques de sa série de fantômes).

Qu’il s’agisse d’un tirage numérique classique ou d’une digigraphie, aucune des deux illustrations n’est considérée comme originale. Cependant, l’une comme l’autre sont tirées en une quantité d’exemplaires limitée, signées et numérotées de la main de l’artiste, ce qui leur confère tout de même le statut d’œuvre presque unique… De quoi décorer vos murs sans trop vous soucier du budget !

La galerie propose ainsi des digigraphies de quelques-uns de nos illustrateurs les plus connus, et dont les œuvres originales se font rares ou plus difficilement abordables, comme Rébecca Dautremer ou Pierre Mornet. Tom Haugomat, Clémence Pollet et Benjamin Chaud ont également tirés quelques réalisations numériques de cette manière. Enfin, nous éditons depuis peu – et exclusivement ! – les illustrations de Miroslav Sasek.

Pour résumer, une œuvre d’art multiple est considérée originale si toutes les étapes de création ont été réalisées de la main de l’artiste. Pour qu’un multiple réalisé en externe est valeur d’œuvre, il doit être signé et numéroté par la main de l’artiste. Toutes les copies d’art sont systématiquement numérotées, ou notées « E/A » pour « épreuve d’artiste » en dessous à gauche de l’image imprimée ; elles doivent également être signées, généralement en dessous à droite de l’image.

Pauline ILLA