Ses albums sont des invitations colorées au voyage. Miroslav Sasek (1916-1980) a dessiné les villes des quatre coins du monde en mêlant humour et poésie. C’est avec ce travail du détail que le Tchécoslovaque s’est imposé comme une référence majeure de l’illustration.
Vous avez dit Monsieur Sasek ?
Miroslav Sasek naît en 1916 à Prague, en République Tchèque. Au lycée, ses résultats sont moyens, sauf dans une matière : le dessin. Lui veut devenir artiste, mais ses parents préfèrent qu’il se tourne vers un métier plus « respectable ». Le jeune Miroslav étudie donc l’architecture à Prague. Il voyage aussi beaucoup durant ses études et découvre l’Europe et l’Afrique du Nord.
À la fin des années 1930, il commence à produire des illustrations pour des journaux et des albums jeunesse. C’est également à cette période qu’il publie le premier album dont il est à la fois l’auteur et l’illustrateur : Benjamin et les milles créatures marines du Capitaine Barnabas.
En route pour Paris et Munich
En 1947, Sasek s’installe à Paris, où il étudie à la prestigieuse École des Beaux-Arts. Après la prise de pouvoir en 1948 des communistes en Tchécoslovaquie, il décide de ne pas retourner dans son pays d’origine. Il continue donc sa vie à Paris, et travaille en tant que graphiste de publicité et architecte.
En 1951, une nouvelle ville l’accueille : Munich. Là-bas, il travaille pendant six ans à Radio Free Europe, alors qu’il n’a jamais fait de radio auparavant.
L’amoureux des villes
L’année 1957 marque le retour de Sasek à Paris. Il reprend alors un ancien projet qui n’avait pas abouti, celui de créer des guides illustrés de villes pour enfants. En toute logique, c’est d’abord le guide de Paris qu’il publie, en 1959. Rapidement suivent d’autres albums. L’illustrateur jette le dévolu de son trait sur une dizaine de villes : Rome, Londres, New York, Edinburgh, Munich, Hong Kong, etc. Il dresse également le portrait de quelques pays, comme Israël ou la Grèce, ou de régions, comme le Texas.
Pour réaliser ses albums, c’est avant tout la curiosité qui le guide, comme il l’explique : « Quand je vais dans une ville comme New York, par exemple, que je n’ai jamais visitée de ma vie, je commence par aller voir les endroits dont j’ai entendu parler, les monuments, les lieux avec un intérêt particulier. Une chose mène à une autre jusqu’à ce que le livre soit complété. Tout ce que je fais, c’est courir de mon hôtel à tel endroit, puis retourner à l’hôtel ! »1
Un coup de crayon devenu célèbre
Dans les années 60-70, les albums de Sasek se vendent par milliers, et sont traduits dans une dizaine de langues. Un succès qu’il doit à ses dessins colorés, riches en détails et accompagnés de courts textes. Les graphismes sont modernes pour l’époque et montrent plusieurs lieux typiques d’une ville, tout en capturant des éléments de la vie quotidienne de ses habitants. Quatre de ses albums ont été adaptés en dessins animés, et nombre de ses illustrations traversent le monde sous forme de cartes. Ironie du sort, en Tchécoslovaquie, ses livres ne furent pas autorisés à être publiés jusqu’à la fin du régime communiste, en 1990. Son travail n’a été reconnu dans son pays d’origine que récemment.
Après avoir publié sa série de guides, Sasek illustre d’autres livres jeunesse, dont il est parfois aussi l’auteur. Durant les quinze dernières années de sa vie, lui qui n’a jamais cessé de dessiner, mais aussi de peindre, organise des expositions de ses œuvres dans plusieurs pays. Il meurt en 1980 en Suisse, en laissant derrière lui des centaines d’illustrations et 18 guides de villes.
1 Hopkins L.B., Books are by people : Interviews with 104 authors and illustrators of books for young children, New York : MacMillan Publishing Company, 1969
Célie Chamoux