Découper un bout de papier avec une paire de ciseaux est à la portée de tous ! Et les possibilités créatives que permettent cette technique accessible sont presque sans limite. Collage, montage en profondeur, pop-up, texture, couleur, jeu d’ombre… Voici quelques mots-clés qui nous ouvrent les portes d’un champ d’interprétation infini : le papier découpé.
L’ombre chinoise
Hélène Druvert crée ce qu’elle nomme poétiquement des « ombres à rêves ». Inspirées de l’ombre chinoise, ces œuvres en papier se présentent comme de petits théâtres monochromes : une feuille, délicatement découpée au laser d’après les dessins numériques de l’illustratrice, dans une couleur en lien direct avec l’univers évoqué. Le Calamar est ainsi bleue, et les Fleurs vertes, mais sa teinte de prédilection est le noir, écho direct à la notion d’ombre. Ces illustrations d’Hélène ne reposent pas uniquement sur l’espace plat du papier : mises en scènes, elles prennent vie grâce à la lumière qui fait danser les ombres projetées par les découpes au fil de la journée. Un spectacle qui laisse rêveur…
Le pop-up
Le papier découpé est aussi un outil qui se travaille en volume, notamment dans le domaine du pop-up, un anglicisme que l’on peut traduire par « jaillissement ». L’œuvre pop-up inclut donc dans sa conception la notion de profondeur. Des artistes comme Julia Spiers s’en servent dans la réalisation de livres-jeux illustrés dans lesquels l’histoire semble sortir des pages. C’est par exemple le cas de ses Contes à jouer, pour lesquels elle a réalisé chaque plan à la gouache sur une feuille plane.
Mathilde Arnaud est elle aussi friande de ces animations manuelles, qu’elle a développées dans deux ouvrages en regard : Chat noir et Chat blanc. Pour l’exposition « Un monde en papier », elle les revisite afin de créer des objets décoratifs uniques, présentant ses motifs découpés numériquement puis réagencés en volume par ses soins, et relevés de petites retouches à la peinture. Résultat ? De jolis petits cadres qui nous plongent dans le quotidien espiègle de deux félins malicieux.
Le diorama
Le diorama a la particularité d’explorer à la fois la planéité du papier et la profondeur de champ. Cécile Jacoud, qui a publié Dans le secret des galeries aux éditions Amaterra, a fait de la superposition des découpes sa spécialité. Ces créations, qui enchaînent de 3 à 7 plans, vivent avec le regard de l’observateur. De loin, une scène fourmillante et quelque peu hypnotisante se présente. Un pas puis un autre pour se rapprocher de l’œuvre, et c’est comme une plongée dans les profondeurs de la terre, ou les coulisses de la nature. Lichens colorés ou renard des neiges camouflé dans un environnement tout blanc, l’artiste joue autant avec les formes qu’avec les couleurs pour créer ses « illustrations tunnels ».
Hélène Druvert imagine aussi certaines créations en profondeur, comme la Serre et Étoiles : des scènes en trois plans, qui interagissent cette fois entre eux pour créer les jeux d’ombres.
Le collage
Le papier découpé et collé est une pratique que l’on expérimente dès l’enfance. Une passion qui ne se perd pas toujours à l’âge adulte, et peut se développer en un art d’une précision chirurgicale ! Si Véronique Joffre fait appel à de nombreuses techniques de créations, c’est bien celle-ci sa préférée. Dans ses œuvres, absolument tout est du papier découpé : les gouttes d’eau qui s’abattent sur le tracteur, les minuscules abeilles qui butinent les fleurs, dont les pistils sont aussi de microscopiques bouts de papier découpé ! Elle compose ses images non seulement grâce à ce sens aigu du détail, mais aussi à l’aide des textures et couleurs des papiers qu’elle sélectionne. Couleur dense et texture épaisse, ou teinte douce et couche fine : il faut de tout pour composer un monde… même en papier !
À la Galerie Robillard, Florence Koenig a une pratique similaire mais s’appuie plus souvent sur des papiers de soie qu’elle peint pour les texturer avant de passer à la découpe.
Le mélange des techniques
Nombreux sont les artistes à mélanger les techniques pour créer leurs univers illustrés. Ilya Green, par exemple, dessine ses personnages à la gouache et/ou au crayon avant de les découper pour les recomposer dans une nouvelle image, avec d’autres personnages découpés et parfois des bouts de papier colorés.
Joanna Concejo emprunte parfois un chemin similaire, comme dans son image La Grande endormie. Le plus souvent, elle ajoute de petits éléments découpés à ses grandes compositions aux crayons, créant de curieux détails et redoublant par la même occasion l’animation de ses illustrations.
Vanessa Hié a développé au long de sa carrière une technique complexe : elle commence par peindre toutes sortes de papiers chinés ; puis elle découpe des petits, moyens et grands morceaux qu’elle superpose et arrange entre eux avant de les coller. Parfois, elle ajoute des détails au pinceau pour caractériser ses formes.
Pauline ILLA